31 May 2018

Rien



 Rien à dire, rien à écrire, donc. Seulement l'envie de déposer une marque, une empreinte. Soit le dernier billet de ce mois de mai. Très peu de mots pour tourner le dos au passé, tout comme Saki tourne le dos à la caméra qui ne l'intéresse pas. Mieux vaut observer le vol des oiseaux qui dessinerons dans le ciel orageux les signes qui parleront de l'avenir absolument incertain. Mais incertain seulement pour qui ne suit pas du regard le vol des goélands qui ondulent dans le vent.

30 May 2018

Ma pensée

Ma pensée, une fois dite, n'est plus
Ma pensée. Fleur morte,
Elle flotte dans mon rêve, attendant
Que le vent l'emporte,
Que l'éloigne le courant, le sort extérieur.
Si je parle, je sens
Que je cisèle avec des mots ma propre mort,
Que je mens de toute mon âme.
Ainsi, plus je parle, plus je me trompe
Et plus je me façonne
Un être nouveau, postiche, que j'ornemente
D'être mien.
N'étant plus que pensée, je m'écoute, j'habite,
Et c'est déjà une manière de parler.
Mon dialogue intérieur lui-même est division
Entre mon être et moi.
Mais c'est lorsque je donne à ce que je médite
La forme et la voix de l'espace,
Qu'un lien que j'ai brisé ouvre entre moi et moi
Un abîme infini.
Ah, que ne puis-je avoir en moi-même avec moi
La parfaite concordance,
Le silence intérieur délivré des distances
Qui me séparent de ce que je dis !
Fernando Pessoa in Cancioneiro, 1988  

24 May 2018

Over You


23 May 2018

Par instinct de conservation

 Longtemps nous ne voyons qu'un côté d'une personne parce que, par instinct de conservation, nous ne voulons pas voir l'autre côté, pensai-je, jusqu'au moment où, subitement, nous voyons tous les côtés de cette personne, et, alors, nous sommes écœurés, pensai-je.
Thomas Bernhard, Des arbres à abattre, p.169  

18 May 2018

Immuable



 365 jours par an, se dessine sous mes yeux un paysage qui n'est certes pas immuable, particulièrement en raison des saisons, mais qui, dans sa forme la plus générale, reste le même au fil du temps. 365 jours par an, à des instants divers, mon regard se pose sur une étendue faite de béton et de végétation, un espace traversé régulièrement par le soleil et la lune, les nuages, la pluie et, parfois, les éclairs, ainsi que par les oiseaux, les hélicoptères et les avions, sans oublier quelques lambeaux de plastique ou de papier lorsqu'il y a beaucoup de vent. De temps à autre, d'effroyables silhouettes humaines déambulent un moment sur les balcons, puis disparaissent vers l'intérieur des bâtiments — frissons d'horreur.

09 May 2018

Turbulences



 Le crépuscule s'est produit sous un ciel orageux. Le mois de mai a débuté sous le signe de l'instabilité. Nous sommes entrés dans la zone des turbulences. Seul Zeus sait combien de temps nous devrons y rester.
La vérité, comme la lumière, aveugle. Le mensonge, au contraire, est un beau crépuscule, qui met chaque objet en valeur.
Albert Camus, La Chute, 1956  

07 May 2018

Aspirateur



 Je savais que je me tuerai inutilement à passer l'aspirateur dans tous les coins et recoins de l'appartement. Opération vaine qui n'a en rien évité la catastrophe prévisible, sinon pendant les premières 24 heures. Ensuite...