Parce que je me suis remis à la lecture de romans et d'essais avec beaucoup plus d'intensité qu'auparavant, c'est à dire au cours du mois dernier, je délaisse plus facilement le large siège planté face à l'écran du PC pour le confortable canapé posé près de la porte-fenêtre. Saki a donc moins souvent l'occasion de sauter sur le clavier pour me rappeler qu'il est temps de prendre un repas ou de passer un moment à jouer ensemble. Lorsque se présente, dans le flux de mes lectures, un passage relatif aux chats ou, plus généralement, aux animaux, Saki apprécie que je lui en fasse le récit. C'est ce qui se produit assez fréquemment depuis que je lis Suttree, le merveilleux, sauvage, rugueux et foisonnant roman de Cormac McCarthy, dont voici l'incipit :
CHER AMI, maintenant qu'aux heures poudreuses et sans horloge de la ville les rues s'étirent sombres et fumantes dans le sillage des arroseuses, et maintenant que les ivrognes et les sans-logis ont échoué à l'abri des murs dans des ruelles ou des terrains vagues, que les chats vont étiques et les épaules saillantes dans les sinistres environs, en ces couloirs de brique pavés ou laqués de suie où les ombres des fils électriques muent en harpe gothique les portes des caves, nul être ne marchera hormis toi.Alors, quand il m'arrive, comme ce matin, de lire à voix haute un extrait de Suttree, Saki s'immobilise instantanément, dresse ses belles oreilles et écoute très attentivement.